
Mademoiselle de Joncquières : l’amour court
Je suis une inconditionnelle d’Emmanuel Mouret, réalisateur et acteur à l’intelligence assez rare et aux films si touchants. J’avais adoré Caprice avec Virginie Efira ou Une autre vie avec Virginie Ledoyen. Des films où les personnages occupent toujours une grande place et où le dialogue est si finement amené. Cette année il revient avec Mademoiselle de Joncquières : une adaptation très libre de Jacques le Fataliste de Denis Diderot. C’est un film en costumes, où il fait toujours beau et où les robes immenses ne passent même pas les chaises pour s’asseoir. Un film où on se fait la cour et d’une beauté assez spéciale. La tête d’affiche : Edouard Baer et Cécile de France sont excellents dans leurs rôles respectifs. Edouard Baer, toujours très élégant, défenseur de la langue français, est plein de poésie et l’on avale chacune de ses paroles. Avec Cécile de France, c’est toujours un peu plus compliqué pour moi. Il faut passer une sorte de barrière pour que je puisse croire à la véracité de son rôle.
Dans cette histoire, Madame de la Pommeraye est follement amoureuse du Marquis Des Arcis et cherche à l’attirer vers lui. Cependant le Marquis a un faible… Pour toutes les femmes. Il fait la cour à toutes celles qui sont à son goût. Il leur promet monts et merveilles pour au final… S’en aller tout doucement, prétexter des affaires à Paris, se placer en victime, et laisser tomber sa proie. Il découvre Mademoiselle de Joncquières qui arrive avec sa mère. Elles sont désargentées dans un monde auquel elles n’appartiennent pas, un monde qui n’est pas ou n’est plus le leur. Certains événements ont fait que Mademoiselle et Madame sont prostituées. Mais c’était avant la ruse de Madame de la Pommeraye qui prépare un plan diabolique envers le Marquis qui l’aime de moins en moins.
C’est un film drôle et triste au scénario solide. L’histoire donne envie de comprendre, d’aller plus loin. C’est un film d’époque dans les costumes, mais aussi le film d’une époque où les sentiments les plus profonds étaient étouffés tandis que le libertinage allait bon train. Je n’en dirais pas plus sur le scénario, mais c’est un film doux, lumineux. Un film en costumes c’est toujours spécial car cela signifie qu’il y a une histoire derrière mais aussi qu’il y a l’Histoire. Il est facile de se perdre dans les méandres des siècles, de faire glisser son film sur une narration plus générale et généraliste. Emmanuel Mouret ici ne se perd pas dans des explications historiques et parle de ses personnages uniquement. Mademoiselle de Joncquières parle de ce que l’on a été et de ce que l’on aimerait être. Des femmes qui subissent les envies des hommes. C’est un film qui explique qu’il est compliqué de tenir son rang toute une vie.
Laure Calamy interprète un personnage que l’on voit trop peu : l’amie et la confidente de Madame de la Pommeraye. Elle est là lorsque Madame va mal, lorsque Madame veut parler, lorsque Madame veut rire ou pleurer. Mais on ne sait rien d’elle si ce n’est qu’elle mène une vie qui la rend triste. Une vie où plus personne ne s’approche d’elle car elle a appris à trop se protéger. Un personnage triste, au visage qui appelle au secours, j’aurais aimé en savoir plus.
Mademoiselle de Joncquières est un film aérien, où les sentiments filent dans le jupons. La mélodie sous forme de ritournelle est sympathique et si agréable. C’est un film dans lequel nous, spectateurs, avons du mal à nous placer. Faut-il être du côté de l’homme volage ou bien du côté de la femme meurtrie, blessée, touchée en plein cœur et en pleine réputation. C’est bien là que l’on reconnaît les Lumières : ne pas choisir son camp et toujours éprouver des sentiments.