
L’homme pressé : l’accident édulcoré
À chaque fois que j’ai envie d’écrire « le mal du siècle », je me rends compte que je ne parle jamais du même. Comme si ce siècle ne tournait pas rond. Tellement pas rond, qu’il n’aurait en lui que des maux.
Fabrice Luchini interprète une riche homme d’affaires victime d’un AVC. Cet accident remet en question toute sa vie, son quotidien, ses relations. L’homme pressé est brillamment interprété, Luchini réalise des prouesses techniques dans ce qu’il manie le mieux : le langage. Il confond les lettres, les mots, les gens, les rues. Leila Bekhti est elle aussi impressionnante en orthophoniste très professionnelle qui va devenir dévouée à son patient. Elle est d’une justesse parfaite, film après film, elle m’émeut par la sincérité de son jeu.
Le film est émouvant, drôle, sensible : bien rythmé, belle image, classique et efficace. Mais ce qui m’a vraiment intéressée, c’est le traitement de la maladie. Le besoin de l’accident, de la near-death experience pour faire comprendre que la vie s’efface vite. Ce genre d’histoire arrive tous les jours, dans tous les milieux et l’on choisit ici un homme riche et reconnu qui va « tout » perdre. Le « tout » étant relatif, car la perte de son emploi (et d’une certaine dignité probablement), ne l’oblige pas à devoir renoncer à son train de vie. Je trouve que sur certains points le film reste un peu en surface, notamment sur la cause-conséquence du travail et de la compétition qui prenaient une trop grande place dans la vie du personnage. On arrive vite sur sa rééducation alors qu’en réalité, les temps sont plus longs, la guérison n’étant pas toujours aussi miraculeuse.
La vie file, les gens nous aiment et nous ne les voyons pas. La maladie fait peur et le film n’en fait qu’un élément perturbateur : pourquoi pas. La nonchalance de Luchini enlève la morosité du sujet. Mais si au lieu d’en rire un peu au cinéma on en profitait pour réfléchir. À qui cela profite d’être pressé ? Pour aller où ? Nous n’avons pas assez de toute une vie pour tout faire, alors laissons-nous au moins le temps. La morale que le film semble vouloir faire passer ne prend pas. On tombe trop rapidement dans une histoire sympathique et on en oublierait presque un peu le sens.