
Weinstein : le protégé
Le sous titre est « l’intouchable », je vais le dire tout de suite : pour moi c’est au delà. Un intouchable est une personne à laquelle on ne pense même pas tant on sait que c’est vain. Harvey Weinstein a été protégé, il a eu des complices, son entourage a simplement fermé les yeux. Non pas parce qu’il était intouchable : mais parce qu’il a été protégé, on ne voulait pas sa chute car elle entraînait trop de monde avec elle.
Ce documentaire est sobre, incisif et clair. Des victimes d’agressions sexuelles par Harvey Weinstein sont à l’écran et elles témoignent face caméra. D’autres témoins sont invités : le directeur financier de Miramax (première société des frères Weinstein avant qu’ils ne la vendent à Disney), le directeur marketing, la représentante londonienne, l’assistante, des journalistes ayant vécu les choses de l’intérieur…
Ces témoignages sont accablants. Les plus épuisants et justiciers diront « oui mais personne ne vient réfuter leurs arguments » : c’est vrai. La raison est simple : personne ne peut douter de la culpabilité de cet homme car, et comme très souvent, tout le monde savait.
Ils étaient tous au courant. Ils ont vu les sommes d’argent passer pour acheter le silence des victimes.
Les contrats dans lesquels il était stipulé « si vous parlez de cet «incident » à votre thérapeute, ce dernier est soumis à une close de confidentialité. Si elle n’est pas respectée, vous en serez tenu coupable. »
C’est à ce moment que j’ai commencé à m’énerver sur mon siège au cinéma. Nous n’apprenons rien de nouveau, car nous savons déjà tout, mais ce documentaire permet d’écouter. De comprendre, d’accepter la douleur de ces femmes qui n’avaient aucune arme. Leur courage est immense et la culpabilité des témoins n’en est que plus grande. Ils savaient et ils n’ont rien fait.
À travers Ronan Farrow, ces presque 2h d’investigation prouvent le temps colossale qu’il a fallut pour sortir ces articles-témoignages.
Si Weinstein s’en sortira, car c’est un fait, il ne fera plus de film, ne sera plus remercié aux Oscars, mais sa vie n’est pas ruinée. Les vies meurtries sont celles de ces femmes violées par un type qui n’a fait que ça pendant plus d’une vingtaine d’années. À ses côtés, Tarantino, DiCaprio, les Clinton ou encore Trump : tous ces gens de pouvoir savaient (car il en était impossible autrement, Weinstein ne s’est jamais caché) : ils n’ont rien dit, rien fait. Ils se sont contentés de poser leur main devant la bouche en regardant l’arrestation de l’homme d’Hollywood.
Hommes et femmes se succèdent face à la caméra immobile. Les témoignages sont tous aussi affligeants les uns que les autres, mais à aucun moment je n’ai été choquée. En effet, tout a déjà été porté sur le devant de la scène. On voit Weinstein comme un homme à l’origine de nombreux « dérapages ».
Certains hommes avancent la thèse d’un Weinstein qui se trouvait laid et qui ne trouverait jamais l’amour à cause de son physique. C’est cet argument qui est supposé nous attendrir et nous faire comprendre que le pauvre Harvey, si moche, était obligé de violer les femmes car elles ne voulaient pas de lui. À entendre ces paroles, une chose est certaine : il y a des personnes qui sont clairement nées avant la honte.
Il s’en sortira avec de l’argent, il vivra la seconde partie de sa vie, à l’abris des regards, entourré de ses amis. Personne n’a jugé bon de se désolidarisé de Weinstein, puisqu’après tout : il n’y a pas mort d’homme. Ce documentaire est nécessaire car ces femmes avaient besoin de parler, mais malheureusement il ne changera rien, puisque les hommes qui agissent comme Weinstein sont partout et qu’il n’y a personne pour les juger réellement.
Que la vie semble douce pour les hommes blancs hétérosexuels.