
Pupille : savoir aimer
C’est l’histoire d’un bébé. Un nouveau-né au milieu de tout ce qui gravite autour de lui, le début de sa vie lorsque sa mère biologique décide de ne pas continuer avec lui.
Pupille est un film qui raconte et qui explique : comment se passe l’adoption en France ? Par quelles étapes faut-il passer ? Qui sont les acteurs ? Qui prend les décisions ? On comprend rapidement qu’il est question de long processus, d’adultes qui souffrent et d’enfants, il faut le dire : abandonnés. Sans que ce soit un gros mot, c’est un fait : ces enfants sont petits et ils sont seuls. C’est l’État français qui va les aider. Cette question de souffrance est récurrente dans le film et il y en a plusieurs. Notamment une qui m’a marquée : celle de ceux qui ne peuvent pas avoir d’enfant biologique. Il y a cet homme au visage fermé et à la mâchoire agressive qui veut un enfant. Sa femme pleure et lui est prêt à exploser lorsqu’il apprend que son dossier n’a pas été retenu. Ce n’est pas irréversible, il faut continuer l’aventure (puisque c’en est une), mais le travail sur soi est encore long. L’homme ne comprend pas pourquoi on ne lui donne pas d’enfant et c’est là toute la complexité de l’adoption : cette dernière n’est pas faite pour combler la souffrance d’un homme ou d’une femme. L’adoption doit se faire dans l’intérêt de l’adopté. C’est lui le sujet, c’est de lui dont on prend soin, pas d’une femme ou d’un homme triste qui veut devenir parent, ce n’est absolument pas le sujet. J’ai trouvé cette scène très forte, parfaitement interprétée mais elle donne aussi un ton au film, celui de la réalité.
Un enfant, quel que soit son âge, qui est abandonné, c’est un enfant différent. Chaque histoire est unique et chacun a le droit à la même qualité de vie : c’est ce que Pupille essaie de faire passer. Tout au long du film, nous suivons Théo, un bébé né sous le secret. Nous avons vu sa mère, nous ne l’avons pas jugée car le film est doux et ne se veut pas méchant. Aucun personnage n’aura de mauvais mot envers une femme qui ne veut pas devenir mère, car là encore : ce n’est pas le sujet. Pupille ne juge jamais, personne, c’est ce que j’ai trouvé le plus beau dans ce film. C’est terriblement touchant de voir la vie qui se réveille dans un si petit corps, tout aussi touchant de voir que parfois, ce si petit être va devoir apprendre seul. Il sera accompagné, aidé, choyé, mais rien ne remplace l’amour d’une personne envers un enfant. Une personne qui pose tout son amour et son attention sur un enfant. Pas forcément un parent biologique, pas forcément une femme plus qu’un homme : simplement une personne qui va devenir le point d’attache de l’enfant, son phare dans la nuit noire.
Théo est un personnage attachant, il a quelques jours seulement et nous allons suivre son développement, ses difficultés. J’aurais tendance à dire aux âmes sensibles de s’abstenir mais je crois que ce film est fascinant dans ce qu’il raconte d’un bébé.
Le casting est également excellent : Gilles Lellouche est une révélation. Je ne suis jamais convaincue par cet acteur que je ne trouve jamais à son aise dans les rôles qu’on lui prête. Ici il change la donne : il est celui qui accueille les enfants lorsqu’on leur cherche des parents, il est la transition, celui qui doit donner un million d’amour puis un jour : ne plus avoir aucun contact avec l’enfant.
Pupille s’arrête sur le bébé, il le regarde, l’écoute, prend le temps. Une scène m’a grandement marquée : la fréquence cardiaque de Théo lorsqu’on lui explique que de nouvelles personnes vont s’occuper de lui. La rupture, le regard perdu, l’impuissance d’un être qui ne sait pas encore s’exprimer ou se faire comprendre face à cette solitude brutale du début de vie. Le bébé comprend tout. Pas les mots et les situations, mais les sensations et les émotions, si bien que c’en est troublant.
Élodie Bouchez m’a également bluffée. Son personnage veut un enfant, qu’importe qui il est : elle veut une rencontre. Son personnage passe par des passages très compliqués, il y a des hauts et des bas, des désespoirs et des lueurs de fond de couloir. Elle est terriblement touchante, elle tient dans le creux de la main que l’on voudrait refermer pour qu’elle n’attrape pas froid. Et à la fois, on sent que sa force intérieure peut la mener jusqu’au bout du monde. Un personnage complexe, joliment développé que le film met en lumière en hommage à toutes ces personnes uniques qui ne peuvent pas se multiplier.
Pupille est lent et doux, l’image est clair, le son comme un cocon. La musique est inexistante et c’est calme. C’est au bord d’un océan qu’on ne voit presque jamais mais que l’on soupçonne. Dans les cirés trempés de cette pluie de bord de mer que l’on reconnait tout le temps. Ces paysages très verts, ce vent qui semble fouetter les visages, il y a cette ambiance d’une ville proche de la mer mais pas n’importe laquelle. Celle qui se retire puis qui revient, comme un doux bruit lancinant qui aide un enfant triste à s’endormir.