
Plaire, aimer et courir vite : à perdre haleine
C’est sur fond de polémique que j’ai entendu parler du dernier film de Christophe Honoré. Dans son livre, il explique comment son acteur fétiche et ami, Louis Garrel a refusé le rôle qu’il avait écrit pour lui. La méchanceté des paroles, l’air hautain et ce discours du spectateur universel qui n’existe pas car nous sommes tous singuliers.
Ce n’est pas facile de voir des personnes que l’on admire se comporter de la sorte. Qu’importe ce qu’on doit oublier ou ce sur quoi il est acceptable de passer l’éponge, je ne passe pas la mienne sur l’homophobie. Désolée Louis, ne me compte plus.
Je trouve le courage d’Honoré immense, il a mené ce film là où il devait être : sur les écrans de cinéma. J’imagine la difficulté de la trahison, surtout venant d’un ami, surtout sur un film aux airs autobiographiques.
Jacques a le SIDA. Il dit avec son fils Loulou qui, au milieu de tout, s’imprègne du climat jusqu’aux scènes où l’on réalise qu’il n’est encore qu’un enfant.
Jacques est attiré par Arthur. Il est jeune, breton et à mi-chemin dans la découverte de son homosexualité. Puis Arthur tente de mener Jacques dans ses filets, car les sentiments sont de plus en plus imposants, grandissants. Arthur tombe alors amoureux, Jacques aussi, mais il se retient car Arthur ne peut pas se permettre une dernière histoire d’amour. C’est le point de départ du film : comment s’aimer ? Comment se laisser aller sans s’abîmer ?
J’ai trouvé ce film déchirant et humain. Les plans transpirent la vie malgré la fin qui est proche. Les plans sont bleus et gris comme le ciel de Bretagne avant la pluie. Le ciel lessivé et fatigué par les rayons. C’est un film qui ne nous transporte pas mais qui nous déplace. Qui nous prend avec lui vers des horizons que nous connaissons, vers des chansons qui convoquent des souvenirs, vers des fins que l’on sent arriver sans vouloir y croire.
J’attends toujours les films de Christophe Honoré car je les aime. Je me laisse aller à leur narration, reconnaissable à leur air de Paris vu par un provincial. J’aime les chemins empruntés et empreintés. J’aime l’amour qui s’en dégage. La simplicité qui vire toujours au drame, puisque c’est ça la vie : le moment où, de nulle part, la fête est gâchée. La mauvaise chanson, la météo, les bouteilles vides, qui yeux qui pleuvent.
Mais dans ce film au si joli titre, ce sont les acteurs qui ont terminé de me charmer. Pierre Deladonchamps, qui grimpe au fil des rôles exigeants dans les ors du cinéma français. Il est juste, beau et d’un naturel troublant. C’est con de dire ça, mais je crois que c’est un excellent acteur.
Dois-je revenir sur Vincent Lacoste, mon favori. Depuis Les Beaux-gosses et de films en films je l’aime toujours plus. Son rire unique, son sourire marqué, son sens de l’humour à toute épreuve ; j’aime ce qu’il fait de ses personnages. Ce temps qu’il met entre les mots après avoir parlé trop vite. Les silences dans son regard, parfois fuyant. J’aime ces films au milieu desquels on ne juge personne. J’ai aimé voir Denis Podalydès se balader, dossiers à la main à 22h en caleçon et mocassins vite enfilés. J’ai aimé ces brefs instants de vie qui ne reviennent pas, ceux qu’il faut vivre avant que la lumière ne s’éteigne.
J’ai aimé cette douleur qu’apporte l’amour. J’aime cette idée de ne pas savoir courir vite, de ne pas pouvoir y échapper et de devoir accepter la difficulté des sentiments.
J’aime la profonde réalité de ce titre, qui dit que certains s’en sortent et d’autres pas.