
Le musée des merveilles : coup de foudre
Cette année, le génial Todd Haynes revient avec un film au si joli titre : Le musée des merveilles (Wonderstruck). Un film de curiosités, d’enfance, de questions et de voyages. Un film aux détails minutieux qui touche en plein cœur et au milieu des yeux.
Le film évolue sur deux époques en même temps. Fin des années 1920, Rose est sourde, elle a une dizaine d’années. Elle vit avec son père dans le New Jersey, un bourreau moderne. Sa mère est une star du cinéma muet à New York. Rose décide d’aller la rejoindre, malgré les obstacles.
Ces parties du film sont également muettes et en noir et blanc.
Dans les années 1970, Ben est un jeune homme de l’âge de Rose en 1927. Sa mère meurt brusquement dans un accident de voiture. Fascinée d’astronomie, elle écoute en boucle Space Oddity, comme un présage. Un adieu à venir, un espoir à ne jamais perdre et des étoiles vers lesquelles il faut toujours se tourner. Ben part seul à New York après avoir été victime de la foudre qui l’a rendu sourd. Il part chercher son père qu’il n’a jamais connu avec un livre et un marque-page.
Peut-on faire plus poétique ? Probablement pas, mais le plus beau c’est que le film ne se regarde pas lui-même, il n’y a aucun égo. Il offre, il donne, il émerveille.
Ces deux enfants qui se suivent avec des décennies d’écart sont touchants. Les deux jeunes acteurs, qui jouent ici leurs premiers rôles au cinéma sont à cœurs ouverts dans leurs personnages, dans leurs quêtes bien nobles : retrouver ceux pour qui l’on pourrait compter. La recherche pure d’un amour qui devrait être inconditionnel, celui d’un parent.
Les changements d’époques sont superbement traités. Ni trop faciles, ni trop sophistiqués. Ils sont toujours la continuité de la narration et on entre aisément dans les deux époques où l’on réalise, plus douloureusement à chaque fois, qu’il est déchirant de vivre sans personne pour nous aimer. Qu’il est dur de partir pour se protéger.
Le Muséum d’histoire naturelle de New York est filmé dans son évolution. Il est montré tel un refuge, celui des enfants en quête. Il est la réponse, il est la sécurité, il est l’endroit où l’on peut s’endormir tranquillement, se cacher du danger ou déambuler dans le noir sans contrainte.
Il est la réponse comme le sont souvent ces lieux de culture et d’histoires. Il y a aussi la maquette de la ville de New York au musée du Queens qui est émouvante. Ces villes sous nos pas de géants. Ces ponts que l’on enjambe délicatement, les pieds dans les mers factices mais que l’on ressent.
Les deux figures connues de ce film sont féminines : Michelle Williams qu’on ne voit que trop peu et l’abonnée aux films de Todd Haynes : Julianne Moore, dont la rousseur transperce même un écran en noir & blanc. Le traitement de l’image est si délicat, le noir & blanc à la limite de la saturation. Les couleurs jaunies par la poussière et les vapeurs de la ville à l’approche de l’été. Sans trop en dévoiler, les doubles personnages de Julianne Moore sont superbes. Son personnage vieillissant est indescriptible.
C’est étrange car je vois bien que je n’arrive pas à poser les mots justes sur ce film. Je les voudrais plus forts, au moins à la hauteur. Je crois que c’est là que se niche la magie du cinéma. Celle qui prend à la gorge en plein milieu du film. Qui nous fait sortir de l’œuvre trois secondes. Le temps de réaliser ce que l’on est en train de voir : la merveille. L’alchimie, l’inexplicable, l’émotion vive d’un film. L’importance de la fiction, lorsque cette dernière frôle nos souvenirs les plus intimes et que l’histoire ne se joue qu’entre le film et nous-même.