cinéma
Circulez, il n’y a rien à voir.

Circulez, il n’y a rien à voir.

Ces derniers temps, au cinéma et ailleurs, il est devenu compliqué de rire.

Non pas parce « qu’on ne peut plus rien dire » mais tout simplement parce qu’il n’y a plus rien de drôle.

L’époque est à la défense de ceux dont tout le monde se foutait il y a encore deux semaines. On défend ceux qui n’ont aucune élégance et on le fait avec la conviction des grands jours. Lorsque les arguments manquent, comme souvent, le drapeau de la censure est brandit comme dernier étendard.

L’année arrive à sa fin et elle fut une catastrophe pour la comédie française au cinéma. Il y a eu d’excellentes choses (j’ai notamment Marie-Francine en tête mené par Valérie Lemercier), mais trop peu pour nous faire oublier les pires.

Je n’en citerai pas les titres,  parce que ce n’est pas mon propos. On dit souvent qu’il faut du cinéma pour tous et qu’un film ne plaira pas à tout le monde. Je suis entièrement d’accord et je crois même que c’est primordial. Cependant, est-il nécessaire de remuer et d’enfoncer le couteau dans les plaies ?

La moquerie ne me fait pas rire. Les clichés, les stigmatisations et autres humiliations non plus. C’est dommage pour moi, c’est le gagne-pain de la comédie en France. On trouve un souffre-douleur, une victime parfaite puis on se fait 1h30 de rigolade sur une orientation sexuelle, sur une couleur de peau ou sur un accent.

Circulez, il n’y a rien à voir.

Je pense que nous pourrons rire de tout cela le jour où ce ne sera plus que des blagues de bon ou mauvais goût. Des blagues.

Aujourd’hui ce ne sont pas des blagues. Car 80% de la population LGBTQ+ s’en prend plein la gueule toute la journée, parce qu’une personne sur cinq a déjà été agressée à cause de son orientation sexuelle. Parce que 98% des femmes qui prennent les transports en commun affirment avoir été agressées et que cette même proportion a peur de rentrer seule chez elle le soir.

Parce que sur 3 individus celui au nom le moins « patriote » se verra refuser emploi et logement. Parce qu’on préfère ceux qui ne savent pas aligner trois phrases mais blancs à ceux qui dissertent en français avec un accent, que bien évidemment, on sous-titrera parce que l’effort envers l’autre n’existe plus.

Alors quand tout ceci ne sera plus la réalité, peut être que j’arriverais à en rire tant cela me paraitra absurde.

J’en viens à l’exemple du nouveau film d’Alain Chabat : Santa &cie.

Je ne m’attarderai pas sur le film lui-même qui est une sympathique comédie familiale de fin d’année. Je voudrais, sans prétention, m’attarder sur le genre d’humour que propose ce film. C’est un humour qui se construit à l’intérieur du film et non un humour qu’il faudrait absolument caser comme dans les shows de Stand-Up où il faut une vanne toutes les 50 secondes.

Dans Santa &cie, Chabat réussit l’une des choses les plus dures au cinéma : divertir et émerveiller les plus petits et faire rire tout en touchant les grands.

Certaines blagues frisent l’humour potache, le jeu de mot est constant mais à aucun moment la moquerie n’est physique, religieuse ou simplement méchante (même si j’ai bien conscience de la subjectivité de ce dernier point.) Les acteurs tiennent leur rôle et la cohérence du casting est parfaite. (Combien de fois avons-nous eu des enfants blancs comme neige alors que les parents ne le sont pas ?)

Ici, toutes les questions d’actualité n’en sont pas car le film se concentre sur son histoire tout en s’en détachant par des références populaires et culturelles.

Je ne dis pas que ce film fera rire de manière universelle ou pire qu’il faut en rire. Je dis simplement que c’est si rare de voir des films à l’humour pensé plutôt que sans imagination. A l’humour que l’on veut créer de toutes pièces sans tomber dans la facilité. Cela me fait toujours penser aux bandes de personnes qui décident de prendre une personne et de s’en moquer à longueur de temps. Parce qu’un groupe de personnes qui se moque d’une seule personne c’est facile, et le rire de l’un provoque celui de l’autre. On rit aujourd’hui face à ces comédies comme si on en était obligé, comme si notre liberté d’expression nous obligeait à trouver tout drôle. Comme si on avait besoin de faire du mal pour contenter notre envie de divertissement.

Il faudrait qu’on les mette en avant ces films, qu’on voit aussi que la comédie française, ce n’est pas que s’enfoncer dans la vulgarité, l’irrespect et souvent même dans la blessure. Je suis très reconnaissante envers ce genre de films qui prennent des risques (surtout au niveau marketing, puisqu’il faut l’avouer, un film qui discrimine fait le buzz et le buzz peut être mauvais mais parfois aussi bon et remplir les salles de cinéma) dans des mercredis où l’on se demande quelle prochaine communauté sera mangée, puis abandonnée comme le paquet de pop-corn à la fin de la séance.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *