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La belle et la meute : victime coupable

La belle et la meute : victime coupable

Est-ce que la justice ferme les yeux la nuit ? Pourquoi est-ce que lorsque les villes s’endorment les hommes deviennent sans foi ni loi ?

Mariam est une jeune femme de 21 ans. Un soir, sur la plage à Tunis, elle se fait violée. Le film suit alors son parcours dans la nuit, d’hôpitaux en commissariats, des urgences au service gynécologue jusque chez le médecin légiste. Elle est balancée à droite à gauche avec Youssef, l’homme avec qui elle était avant le viol. Le Chapitre 2 est d’une violence absolument terrible. Mariam est hors d’haleine, le visage terrifié et grave. Le visage d’une femme qui a vécu l’enfer. Celle qu’on ne peut plus approcher, plus toucher, celle dont on aura du mal à capter le regard. Mariam cherchera le soutien des femmes, leur empathie, leurs mots. Mais elle ne sait pas encore que cette solidarité féminine tant mise en avant, n’existe pas. 

Tout le film, découpé en chapitres, montre ce visage si expressif, celui de Mariam qui nous restera collé à la rétine bien après le film.

Mariam est d’une solitude qu’on ne peut imaginer. En plus du traumatisme qu’elle vient de vivre, elle porte sur ses épaules le poids d’un pays gouverné par la religion. La honte est dans le mauvais camp et c’est elle qui cherche à s’enfuir, se courir, se cacher alors qu’elle est victime. Mariam est une victime. Une victime qui sera traitée comme la seule coupable. Elle ne trouvera l’aide nulle part, même auprès de ceux qui voudraient, mais ferment discrètement les yeux pour protéger leur propre situation dans un pays où on passe les menottes pour un mauvais regard.

Ce que le film montre bien dans sa construction, c’est l’incapacité de Mariam à s’en sortir. Une dizaine de chapitres et aucune issue. Elle se précipite vers chacune des portes, mais elles sont toutes fermées.

C’est compliqué de voir une femme se ruer à l’hôpital pour un certificat de viol qui prouvera que la perte de sa virginité était un accident.

Elle ne se laisse pas aller mal pour ce qu’elle a vécu, mais uniquement envers son futur époux, quasi inexistant puisqu’il n’est plus vierge. Et c’est exactement sur ce point précis que le film parle aux spectateurs.

Mariam est totalement en dehors de sa douleur, elle ne cesse de se faire dicter ce qu’elle doit faire sans que personne, une seule fois, ne lui demande comment elle se sent et ce qu’elle veut, elle.

Son viol est remis en question par la quasi totalité des personnages masculins mais aussi féminins. Chez la police puis à l’hôpital, ils sont tous plus intéressés par le numéro de sa carte d’identité que par sa souffrance.

Si le film dénonce l’abus de pouvoir d’une catégorie professionnelle spécifique dans un pays donné ; il est inévitable de faire le lien avec la situation de toutes les femmes à travers le monde et leur silence. Silence parfois forcé ou contraint ou acquis dans une demi-conscience où la femme termine par croire que la coupable dans l’histoire : c’est elle.

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