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Numéro Une : les premières fois

Numéro Une : les premières fois

Emmanuelle est bonne élève. 40 ans passés, elle occupe un poste à responsabilités dans une grande entreprise et, il faut le dire, dans des sphères qui ne sont que masculines aujourd’hui encore.

De congrès en forums, elle parle de son expérience mais on se rend vite compte que durant les réunions, quand elle s’exprime, les hommes la renvoient à sa condition… De femme. C’est un peu comme si en un regard ils lui disaient « Estime toi déjà heureuse d’être là. »

C’est rageant et ces scènes exaspèrent tant par leur cruauté que par leur véracité. C’est probablement triste à dire, mais ces scènes ne m’ont pas choquée parce que j’ai l’habitude de ces comportements, de ces réflexions. Le film les mets très bien à l’écran dans un doux mélange de tristesse et de vengeance.

Dans la salle comble du mercredi après-midi (les retraités vous saluent), j’ai été étonnée d’entendre des spectateurs réagir si vivement aux réflexions masculines. Comme si certaines personnes n‘étaient pas au courant du monde dans lequel nous vivons. Comme si pour certains, le manque de place accordé aux femmes n’était qu’anecdotique. Finalement, peut être qu’en ce sens, le film est nécessaire.

Même si l’intrigue est brillamment portée par Emmanuelle Devos, il y a énormément de personnages et par conséquent certains manquent de profondeur et d’écriture. Parfois ils accaparent le scénario de manière assez faible alors que d’autres personnages auraient mérité plus de temps, comme celui de Marc joué par Benjamin Biolay.

Cependant, le rythme du film n’est pas abîmé et ce sont presque deux heures où l’on devine l’issue sans en être parfaitement sûrs. Emmanuelle sert d’appât féminin-féministe entre deux groupes rivaux. Elle est le prétexte semi-conscient qui aiderait le futur. La première marche avant que le plafond de verre n’explose. La féminité et les compétences d’Emmanuelle sont utilisées pour faire d’elle un atout médiatique, mais le film lui-même n’entre finalement pas assez dans ce personnage classique mais complexe.

Elle a cette phrase terrible : « Toute ma vie, j’ai essayé de faire oublier que j’étais une femme. »

Sans tomber dans le sentimentalisme, peut être que le film aurait gagné en intérêt en développant ce destin finalement différent de ceux d’autres femmes qui restent sous payées, sous considérées, malgré leurs compétences.

Elle est arrivée jusqu’ici certes, mais comment exactement ?

Ce qui est regrettable, c’est également l’exposition des failles féminines au sommet alors que les hommes n’en ont visiblement pas… Ou de fausses failles, comme lorsqu’aux entretiens d’embauches on dit que notre pire défaut, c’est d’être perfectionniste.

Elle est en haut de la pyramide : elle a forcément un problème, c’est ce que nous dit le film. C’est dommage, ça n’apporte rien à ce film qui est bon, mais reste pas mal en surface notamment sur le sujet qu’il devait traiter… On s’attend à voir les dessous d’un système masculin machiste et en réalité on voit deux trois scènes de harcèlement sexuel et moral qui servent une intrigue qui a tendance à se perdre dans la narration mais aussi dans les clichés.

Visuellement c’est une réussite tant au niveau des couleurs sombres que des tenues d’Emmanuelle Devos, parfaitement choisies et révélatrices d’une personnalité.

Il y a de très beaux plans de cette femme fourmi au milieu de La Défense, mais aussi de sublimes gros plans sur son visage. Visage si expressif, si modulable. Elle joue parfaitement et comme souvent avec Emmanuelle Devos, il n’y a pas de temps d’adaptation : on croit à son personnage à la seconde où elle apparaît à l’écran.

On le dit si peu, ou dans les dernières lignes d’un Télérama, mais Emmanuelle Devos est une actrice incroyable. Les films sont construits autour d’elle, elle est d’une vie, d’une force tranquille. Peut être que c’est pour cette raison qu’il ne faut manquer aucune de ses apparitions.

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