
Confident royal : les failles d’un empire
La première chose qui m’est venue à l’esprit lorsque j’ai vu les premières scènes de Confident royal : parlera-t-on un jour des ravages de la colonisation britannique sur un autre ton que celui de l’humour ?
Ici il est question de l’amitié –véridique- entre la reine Victoria et le roturier-serviteur indien Mohammed Abdul Karim, arrivé d’Agra en 1887 pour le jubilé de la reine d’Angleterre.
Toute la première partie du film montre la reine (jouée par la plus royale des actrices anglaises : Judi Dench) sur-protégée et assistée. Elle s’ennuie profondément et s’endort au milieu de banquets gargantuesques où elle se bâfre littéralement autour d’une cour qui frise le ridicule dans ses tenues de gala en plein après-midi et ses sujets de conversations bien correctes et qui n’intéressent personne.
La reine se lie d’amitié avec ce serviteur qu’elle nommera son Munshi, sorte de professeur-philosophe personnel. Ils passent des journées entières ensemble à parler, rire, se découvrir. C’est la rencontre, au delà de deux cultures : de deux mondes. La reine est dirigeante d’un pays et de ses succursales colonisées, et pourtant elle n’a connu que l’entre soi.
N’importe quelle personne n’étant pas de son rang lui apparaît comme exotique. Dans le film, ce côté assez ridicule est bien montré. Elle se fait mener par le bout du nez par un homme qui a simplement l’expérience de sa propre vie.
La relation intéressante du film et celle qui aurait mérité un plus large développement, c’est celle d’Abdul et son camarade avec lequel il est arrivé à la cour : Mohammed. Ils sont tous deux très différents. Alors qu’Abdul aspire à une vie anglaise et se plie aux exigences, son camarade est sans cesse renvoyé à sa condition de presque esclave. Il meurt de froid, n’est pas soigné. Il est épuisé comme en atteste son visage et il veut rentrer chez lui. Le cœur de l’empire le dégoûte et il a bien saisi comme son pays était devenu annexé. Preuve de cet assouvissement : il a été forcé de faire le voyage jusqu’en Angleterre. On ne lui a pas demandé son avis. Des semaines de voyage en bateau pour se plier le dos et la tête en révérences.
Si le réalisateur, Stephen Frears, avait été formidable avec The Queen, il manque ici de profondeur, il reste lisse et dénonce sans trop se mouiller. Ce qui fait du film une sorte de comédie teintée mais un peu fade, qui ne veut pas prendre de risque.
C’est plutôt plat et lent. On est sur des couleurs classiques, des plans scolaires et parfaitement léchés. Il n’y a à ça rien de mal, mais j’aurais tendance à me demander si le film a un intérêt quelconque.
La cour passe pour un groupe de personnes au manque de culture flagrant et dont le seul intérêt est le leur. Bertie, le fils de la reine qui sera amené à régner par la suite est un horrible personnage sans aucune profondeur. On aimerait le détester et pourtant il nous importe peu jusqu’à la scène finale où il se révèle enfin.
L’idée était pourtant bonne, mais le film se retient trop. On réalise alors qu’il est plus simple de se moquer de la reine Victoria, de son physique, son comportement que de traiter le réel sujet du film. On reste sur un avis édulcoré de la colonisation. Même si le film se déroule bien avant que l’Inde n’obtienne son indépendance, il ne s’agirait pas d’oublier que tout ceci est à l’origine de la plus grande migration religieuse que notre ère ait jamais connue.
Confident royal montre une cour raciste et dominante avant 1900, mais ça, qui en doutait encore ?
On regrette alors un film peureux qui ne laisse pas les plans s’installer et se dérouler.