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The Handmaid’s Tale : douloureux échos

The Handmaid’s Tale : douloureux échos

Qu’en serait-il d’un monde où nous ne serions plus personne ?

Un monde où nous serions l’esclave, un monde où nous serions surveillées, un monde où nous serions périssables, un monde où tout le monde trouverait ça normal et où la moindre révolte serait punie par la mort avec torture.

Nous, c’est les femmes. Ce monde c’est celui de The Handmaid’s Tale, à l’origine un roman brillamment adapté en série TV pour Hulu (diffusé sur OCS en France).

On y suit la vie de ces femmes à qui l’on a tout enlever : leur travail, leur famille, leur identité. Ces femmes sont les esclaves de leur nouvelle « famille ». Elles sont fécondes et l’on attend d’elles un enfant… Avant de les renvoyer quand le nouveau-né se présente. Ces femmes doivent donc se plier à des scènes de viols mensuels et ce sont je crois, les scènes les plus violentes que j’ai pu voir à la télévision.

Globalement, c’est la violence que je retiens de cette série. La violence physique, psychologique, intérieure, profonde. Une violence de chaque parole, de chaque plan. On est directement plongé dans ce quotidien douloureux sans prévention, le spectateur n’est jamais ménagé.

C’est dans un monde moderne qui semble rendu au passé qu’elles évoluent, vêtues d’uniformes rouges sanglants, sous d’immenses coiffes blanches qui leur permettent de cacher leur visage et de baisser leur regard lorsqu’elles croisent des hommes ou des femmes de « société » à qui elles doivent soumission.

The Handmaid’s Tale offre la puissance du regard. L’image est absolument superbe, les uniformes et leurs couleurs y sont pour beaucoup. C’est très impactant de voir ces groupes évoluer, on dirait parfois des scènes de guerre où deux troupes s’affrontent sauf que dans cette série, tout le monde ne se bat pas avec les mêmes armes.

Ce sont les femmes qui souffrent, que l’on utilise comme de vulgaires objets sans se soucier de qui elles sont puisque de toute manière, elles sont devenues personne, la simple propriété de leur « maître ».

Lorsque j’ai regardé le premier épisode, j’ai ressenti un mal physique, je pleurais, j’avais envie de vomir, d’exploser, de hurler. En un épisode donc.

J’ai peiné à continuer mais je crois que c’est un devoir de voir cette série. Il faut s’accrocher, souffrir face à l’écran, dans l’impuissance et la hargne. Le parti pris est intéressant, la descente aux enfers est parfaitement filmée sous forme de flashback. C’est rapide, incisif et profond.

Ce bouleversement de société dans la série, a lieu aux USA… Et uniquement là-bas. Il suffit d’atteindre la frontière Canadienne pour être en sécurité… Les histoires de frontières, de familles, leur vie dans un sac à dos, qui traversent les forêts en rasant le sol les enfants serrés dans les bras… C’est terrible n’est-ce pas ? Ce n’est pourtant pas très loin en arrière.

L’Histoire est si proche, les chasses aux Autres se sont-elles vraiment arrêtées un jour ? Ce sont les femmes le gibier, qui qu’elles soient (car en réalité si l’on pense au début de la série les femmes de « société » épargnées par l’enfer… Il n’en est rien).

C’est terrible car je n’arrive à poser aucun mot sur ma colère, je voudrais juste que le monde voit cette série et que je puisse les regarder… Pour me rassurer, pour me dire que personne ne laisserait un tel chaos s’installer… Mais je sais que c’est faux.

Je sais que les premières à perdre leurs droits –acquis dans le sang- ainsi que leur dignité ce sont nous, les femmes. Celles que l’on aime lorsqu’elles sont nos mères, celles que l’on ne respecte plus lorsqu’elles sont nos putes. Celles que l’on écrase d’un crachat, d’un regard, d’une parole. Celles que l’on n’accepte uniquement dans la soumission docile. Celles qui effraient quand on ne les contrôle plus. Celles que l’on se permet d’abîmer car on sait que les représailles n’existent pas.

The Handmaid’s Tale montre les femmes au plus bas. Les femmes y sont traitées comme dans la vie, comme une minorité alors qu’elles sont 52% de la société. Les femmes vivent des millénaires enfermées dans des carcans, des millénaires où l’on se tait et où l’on subit. Encore. C’est dérangeant car habituellement lorsqu’on représente ce statut de la femme soumise dans la fiction, c’est dans le passé. Mais ici le pire qu’on déroule sous nos yeux est à venir et rien, absolument RIEN ne parait inconcevable… Ces scènes d’un monde nouveau sont tellement bien entre coupées de retour au monde actuel que le spectateur est déstabilisé à chaque épisode. Le traitement de l’image est très précis, les couleurs sont lourdes et donnent aux plans une élégance rare.

Cette première saison est incroyable, criante de vérité et prête pour la révolution.

Il n’y a aucun point noir. Elisabeth Moss mène la série comme une reine alors qu’elle est traitée comme une moins que rien. Elle est fabuleuse, juste, à l’attitude malléable. Elle est fascinante et personne ne peut la remplacer dans ce rôle. C’est une actrice qui est pour moi, une merveille. Elle crève tout, son jeu est d’une qualité sans précédent. Les personnages secondaires féminins sont parfaits également notamment Samira Wiley et Alexis Bledel. Pour un monde où les hommes dominent, ils ne sont pas intéressants dans la série, ils sont secondaires et sans finesse.

Il y a beaucoup de scènes sincèrement dures. De la torture, des viols, des séparations, des humiliations… Mais la dernière séquence de la saison filmée au ralenti au son d’une Nina Simone qui promet des lendemains qui chantent… Je n’ai qu’une hâte : la prochaine saison parce que je suis prête. J’entre dans les rangs, enfile mon uniforme couleur sang et j’entre en guerre, quoi qu’il m’en coûte.

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