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Portrait de la jeune fille en feu : l’amour du Beau

Portrait de la jeune fille en feu : l’amour du Beau

« Portrait de la jeune fille en feu » Fait partie de ces films dont je me souviendrais certainement toute ma vie. Cela peut paraître précipité, mais je le sais. Dès les premiers plans maîtrisés et bouleversants, j’ai su.

Le film est sombre, les contrastes sont splendides tantôt plongés dans un tableau de Georges de la Tour tantôt chez les maîtres flamands : ce film est une merveille visuelle. Les peaux sont translucides et laiteuses, on voit le sang couler dans les veines du visage d’Adèle Haenel, sublime, d’une beauté douloureuse et énervée. 

Le film prend un sujet d’une simplicité extrême pour en faire une oeuvre majeure. Héloïse refuse de se laisser peindre car le tableau doit être envoyé à son futur époux pour qu’il valide leur mariage. Héloïse semble insaisissable, elle n’est pas de celles que l’on utilise, Héloïse est en colère.

Marianne arrive sur l’île (que l’on imagine) pour peindre selon des souvenirs. Toute la journée elle observe Héloïse, elle retient. Sa bouche, ses yeux, la forme douce de ses oreilles. Avec le temps, on sent que Marianne la regarde comme on pose les yeux sur quelqu’un que l’on désire, que l’on aime, mais qui nous échappe.

Le film dure deux heures et pourtant je n’ai rien vu passer. Je me suis laissée emporter dans ce film féminin, résolument féministe. Une femme qui peint, une autre qui veut échapper à son mariage. L’avortement, l’homosexualité, le désir de liberté : tout y est et tout a un sens. « Portrait de la jeune fille en feu », au delà d’une oeuvre sincère, est une déclaration d’amour : aux femmes qui s’aiment, qui s’aident et apprennent à vivre. J’ai été émue par chaque plan d’une profondeur déconcertante. Tout est très simple, rien n’est en trop et chaque lenteur permet de regarder la composition, les couleurs, les mouvements, comme on regarderait un tableau.

Si le film joue sur le clair-obscur, les scènes au bord de la mer, sur la plage, sont décisives. Elles sont en terrain neutre, elles appartiennent à toutes et la liberté s’y anime. La mer n’est jamais calme, entre le bleu et le gris lessivé, on sent la fin de l’automne sur la côte atlantique : c’est beau. Adèle Haenel semble faite pour ce paysage : ils se répondent et nous, spectateurs, admirons la conversation. 

Je pense qu’un casting est excellent lorsque je n’arrive à imaginer aucun autre acteur. Céline Sciamma, réalisatrice, aurait eu le luxe de n’importe quelle actrice, mais c’est Adèle Haenel qu’elle a choisi et le rôle a probablement été écrit pour elle. Les deux femmes, l’une derrière et l’autre devant la caméra, forment un duo parfait, attendu et si naturel.

Si je suis admiratrice d’Haenel, ce n’était pas le cas de Noémie Merlant. Aucune émotion, son jeu sonnait toujours faux à mes oreilles. Elle est clairement la révélation de « Portrait de la jeune fille en feu ». Formidable de justesse, elle semble à son aise, son personnage -pourtant complexe- est magnifiquement interprété. 

Je manque de qualificatif pour m’exprimer tant parfois l’éloge poussé semble forcé : mais ici, il n’en est rien. C’était de la beauté pure comme on en voit peu.

Jusque dans les scènes intimes, l’émotion frise la perfection et c’est pour toutes ces raisons que je n’oubliera jamais ce film. La bande son est discrète mais percutente lorsque son tour arrive. Les dialogues sont poétiques et profonds : le hasard n’y a pas sa place et pourtant, tout semble arriver pour la première fois, aux premières femmes de ce monde. 

 

 

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