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Le chant du loup : en eaux troubles

Le chant du loup : en eaux troubles

Le cinéma est un art complexe en ce sens qu’il faut être d’humeur. Parfois on passe à côté de certains films parce qu’on n’est pas d’humeur à l’histoire. on aurait pu l’aimer mais on ne saura jamais puisqu’on ne s’est pas rencontrés.

Il y a mille autres raisons pour lesquelles on peut ne pas aimer un film, mais je crois que la rencontre y est pour beaucoup.

Entre Le Chant du Loup et moi c’en était une. J’étais d’ailleurs d’humeur favorable au film se déroulant 20 000 lieues sous la mer (enfin presque). J’ai été charmée, éblouie et émue par ce premier film de d’Antoine Baudry.

Il est question d’un futur plus ou moins proche où les russes et les finlandais ( l’Europe en réalité) mène une sorte de guerre froide sous marine jusqu’au point de non retour. C’est un film au scénario ambitieux et assumé, il y a peu de facilité mais une fois dans le -grand bain-, le spectateur est happé par cette histoire à triste raisonnance.

Le film est scindé en deux parties très distinctes et qui n’ont pas grand chose à voir. François Civil signe ici une très belle performance. Analyste en guerre acoustique, il nous permet d’entrer dans un univers que l’on connait peu voire pas. Sa jeunesse fait de lui un personnage peu respecté par la bureaucratie, mais ses capacités techniques sont évidentes. C’est d’ailleurs son rôle qui permet un travail sur le son absolument admirable. Nous sommes dans ses oreilles avec l’impression d’être plongé dans une immense échographie aux sons arrachés, rudes et infimes à la fois. C’est une partie du film qui m’a fascinée tant j’imagine le travail minutieux.

On évoque souvent la musique quand on parle des qualités auditives d’un film, mais ici il s’agit bien du son pur et brut. On retrouve d’ailleurs un peu la même sensation que dans First Man de Damien Chazelle. Une sensation de bulle, de planer à l’intérieur du film, d’y entrer profondément.

Le reste du casting est tout aussi réussi. Omar Sy joue un commandant de la Marine Nationale, le genre de rôle qui, selon moi, manquait à sa carrière. Son personnage est intéressant entre l’honneur, le service et une profonde gentillesse. Il est également un personnage dont on sait peu ou rien. Sa scène « courage » est belle. En plein grand bleu, filmée dans l’immensité, dans l’avenir incertain, et l’abnégation totale. À l’instar de Reda Kateb, totalement dévoué à son travail, il tient l’avenir de la France entre ses mains et il le sait. Les scènes de doute sont parfaites, il y développe à merveille tout le jeu dont il est capable. Son regard est puissant et à la hauteur du suspense sur la fin du film.

Mathieu Kassovitz termine ce casting et il m’a été impossible de le défaire de son rôle de Malotru dans Le Bureau des Légendes. Il est le chef de tous et c’est son personnage qui amène la plus grande réflexion du film : jusqu’où faut-il suivre les règles, les instructions. Faut-il toujours accorder sa confiance aux personnes dites importantes ?

La seconde partie du Chant du Loup repose sur cette question et c’est effrayant. L’idée qu’une décision grave soit irréversible. Que ce qui est enclenché ne permet aucun retour en arrière. Ce qui m’a fait le plus réfléchir c’est l’impression que la Marine ou l’armée en général, fonctionne sur des codes d’avant. Des codes et des règles qui n’ont pas évolué avec les époques qui amènent chacune leur lot de nouveauté et de précision. On arrive à des techniques d’espionnage haut de gamme au XXIème siècle mais nous faisons toujours la guerre comme avant. Les règles n’ont pas changer et il faudrait suivre des protocoles qui ne protègent plus personne… Pire, qui mettent la vie des Hommes où qu’ils soient, en danger. Sous l’eau ou à l’autre bout du monde, le Chant du Loup est important dans ce qu’il dit et le message très net qu’il fait passer : on peut recruter les hommes les plus intelligents, diplomates et raisonnés, une fois qu’on les vide de leur intuition et de leur capacité à penser, réfléchir : cela mènera toujours au drame.

Qui mieux que celui qui est en pleine mer peut savoir jusqu’où il faut continuer à naviguer ?

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