
Jusqu’à la garde : avant que de tout perdre
Je me souviens vivement du court-métrage Avant que de tout perdre qui avait parcouru toute la France de récompenses en éloges pour terminer un soir d’hiver à Hollywood. Sans Oscar mais avec un vif souvenir. Celui d’une histoire dure, qui tranche, qui fait mal. Dans l’urgence.
Jusqu’à la garde est en quelque sorte, le long métrage qui découle de ce court.
Deux parents divorcent. Ils ont deux enfants, Joséphine 18 ans et Julien, une petite dizaine d’années. C’est ce dernier qui est au centre du film. Il vit avec sa mère mais son père veut en récupérer la garde alternée classique.
Un scénario moderne et « facile » mais qui résonne et qui porte, dans une société actuelle où les féminicides sont encore traités comme de tristes crimes passionnels, et où la parole des femmes reste toujours sujette à de gros doutes.
Le film que nous présente Xavier Legrand est une réelle bombe. Une bombe à retardement. Plus les minutes passent, plus notre souffle devient court. Les plans sont très rapprochés sur les visages bouffis par le stress, l’angoisse et le manque de sommeil conséquent de ce genre de quotidien. Les regards sont fuyants, les yeux rouges et cela rend le film encore plus dur. Un supplice.
A l’écran, l’on perçoit les gorges nouées, les mots qui ne peuvent plus sortir, les nausées constantes.
Le personnage de Julien est brillamment interprété avec une véracité que l’on voit peu au cinéma.
Léa Drucker et Denis Ménochet sont eux aussi au bord du gouffre, dès la première séquence du film dans le bureau de la juge.
Séquence qu’on ne pourra absolument pas oublier tout au long du film avec notre regard extérieur. Regard omniscient et révolté par le manque de clairvoyance et le trop-plein de lois et autres bienséances.
Le film est d’un silence profond. Il est vide d’artifices. Aussi vide qu’un corps qui a tout donné, tout lutté et qui ne connaitra plus jamais le sommeil paisible. Une histoire si triste au dénouement puissant. Les dernières minutes du film sont immenses. Des plans justes et secs, un son assourdissant. L’échappée belle, le presque pire. Une fin tranchée mais avec toujours cette arrière pensée : et après ?
Quand les démons au fond de l’estomac et de la poitrine ne s’en vont pas et que le monstre, lui, termine toujours par revenir.
Et après, avant que de tout perdre ?