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7 jours pas plus : l’imprévu

7 jours pas plus : l’imprévu

Il y a des acteurs avec lesquels c’est tout ou rien. Soit on les trouve brillants, soit on les trouve si mauvais qu’ils nous insupportent.

Je crois pouvoir dire, sans prendre trop de risques, que c’est le cas de Benoit Poelvoorde. Je fais partie de celles qui le trouve touchant, drôle et la plupart du temps émouvant. Je ne saurais trop expliquer pourquoi, c’est probablement une sorte de faille dans son jeu, ça m’attrape à chaque fois, qu’importe le film. Je trouve que Benoit Poelvoorde est comme ces gens qui font de l’humour pour qu’on distingue moins leur mal-être. Dans 7 jours pas plus, Poelvoorde ressemble au personnage qu’il interprète. Pierre vit seule dans le nord de la France dans la maison de son père.

Le soir il découpe et colle les faits divers qui l’intéressent dans un classeur. A 23h00 pile, il éteint la lumière et dort. Il tient une quincaillerie, mais les gens l’exaspèrent. Pierre a une vie de mauvaise humeur.

Sur un malentendu il fait la rencontre d’un jeune indien. Ils vont tenter de se comprendre, du moins d’échanger alors qu’ils ne parlent pas la même langue et n’en ont aucune en commun. Pierre pense que les indiens sont des hindous, que les habitants du Pakistan, de l’Inde ou encore du Sri Lanka parlent tous indien. Le film va de clichés en clichés pour les déconstruire au fur et à mesure. Il y a notamment une scène à l’ambassade où Pierre leur rend « leur ami », pensant que tous les gens venant d’un même pays ou de la même couleur de peau sont amis.

C’est incroyable comme on a tendance à penser des choses qui seraient totalement impossibles chez nous.

Est-ce qu’un français aiderait un belge sous prétexte que leur langue est la même ? Non. On espère des autres un automatisme et une sorte d’humanité que nous n’avons pas nous-même.

Tout au long du film, au même titre que Pierre, nous ne comprenons pas ce que ce jeune indien veut dire, pas même son prénom. En tant que spectateur nous n’avons aucune avance. Même lorsqu’il parle bengali, nous attendons qu’un personnage à l’écran le traduise pour nous. Ça nous rend vulnérable et je trouve que c’est toute l’intelligence de ce film aux airs de discrète comédie française. Le duo d’acteurs masculins fonctionne à merveille physiquement, dans l’espace. C’est dans leurs gestes, leurs regards, leurs sourires qu’ils s’apprivoisent.

Au final, lorsqu’on ne connaît rien de l’Autre et qu’on ne peut pas lui demander, nous revenons à une sorte d’instinct primaire. Notre compréhension de l’Autre passe par son visage : est-il content ? Pas content ? Est-il en train de rire ? Il faut redoubler d’efforts pour une phrase anodine alors que lorsqu’on échange de manière quotidienne dans un confort de proximité, nous ne prenons plus le temps de nous comprendre.

Pierre n’est pas un homme de verbe. Il s’énerve sans cesse dès qu’on lui adresse la parole. Lorsqu’il aime il devient muet. Mais pour comprendre, il se donne du mal et n’a pas peur de s’excuser ou de balayer ses convictions erronées.

7 jours pas plus, c’est un film, au demeurant bien construit, sur la difficulté de la découverte et le respect. C’est plutôt triste que le film passe inaperçu en salles. Mais ce n’est pas étonnant, il semblerait que ce soit des notions perdues.

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