
Au-revoir là haut : l’histoire dans l’humour noir
C’est assez inexplicable, mais lorsque j’ai vu Au-revoir là haut, le dernier film d’Albert Dupontel, j’ai eu l’impression qu’on me parlait de la guerre pour la première fois. Pourtant, il y en a eu des films. Des hommes qui partent au front, des mines qui explosent en plein visage juvénile. Des retours en sang, décharné. Les retours de guerre qu’on n’a jamais vus finalement, ce sont des retours soulagés et joyeux. Peut-être parce que perdants ou gagnants, on ne peut pas revenir d’une guerre.
Albert Dupontel adapte un prix littéraire aimé de tous et que je n’ai pas lu. Je ne parlerai donc pas des rapprochements possibles ou de l’adaptation au sens large.
Le film dure plus de deux heures et tourne autour d’une amitié qui s’est nouée entre deux combattants qui se sont entre-sauvés la vie sur le champ de Bataille en novembre 1918, très peu de temps avant la fin de la première guerre mondiale. Le film est partiellement narré par le personnage d’Albert, arrêté par la police. Il raconte leur rencontre, leurs magouilles, les dessous de la guerre… puis le tout est mis en image de manière, j’ose le dire : merveilleuse. Les décors sont époustouflants de détails, les costumes flamboient et que dire de la beauté des masques ?
Le film traite de plusieurs sujets de fond de manière intelligente et profonde. Il y a certes le retour de la mort, mais aussi un grand travail sur le langage, le courage, la dignité et bien évidemment : l’amour. Les personnage sont nombreux et parfaitement écrits (peut-être que c’est l’avantage de partir d’un roman ?). Il n’y en a aucun qui est de trop et le casting est selon moi, un sans faute. Ce n’est pas toujours évident de jouer, qui plus est le rôle-titre dans son propre film, mais là, je n’y aurais vu personne d’autre qu’Albert Dupontel. Il est drôle, touchant et toujours juste. Laurent Lafitte en détestable homme trop haut placé, Niels Arestrup en père meurtri, Emilie Dequenne en sœur et épouse naviguant à vue, Mélanie Thierry en bonne au cœur si tendre qu’il souffre, puis enfin Nahuel Perez Biscayart en homme qui se transforme malgré lui. Il apporte et introduit le côté fantastique, burlesque et onirique du film. Il est terriblement émouvant et son personnage plein de contradictions semble si réel, tout comme sa souffrance. A mesure des reportages que je vois à la TV depuis le début de la promo du film, je comprends le travail que cela a demandé à l’acteur. Pas une seule seconde je m’en suis doutée durant le film. J’imagine que c’est ça un grand acteur. Travailler des heures et des heures des expressions, des chorégraphies, des mouvements pour donner l’impression à l’écran que c’est inné, que rien n’est prémédité.
Toutes les histoires s’imbriquent les unes dans les autres comme si c’était convenu et inévitable.
Sans être tire-larmes, la bande originale est discrète mais bien présente. Elle se pose sur les images lorsque les voix se taisent. Elle correspond aux teintes si sombres d’un Paris libre mais un Paris déchiré. Celui des maisons en ruines face aux hôtels dorés du rond point de l’Etoile. Mais rien n’est jamais de trop, le film est d’une finesse rare, doux, alors que la mort est dans chaque plan.
Au delà même de la mort, c’est la souffrance qui est montrée. Celle que l’on inflige à ceux qui n’ont pas le choix. La souffrance de laquelle on se joue lorsqu’on marche sur les tombes pour ne pas salir ses belles chaussures.