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Je reviens te chercher

Je reviens te chercher

On cherche du changement. Parfois lorsqu’il arrive, il est clivant. On se souvient du dernier fiasco des César l’an passé. Un pédocriminel triomphant, un entre-soi puant. Adèle Haenel qui s’en va (non récompensée pour le plus beau film de ces dernières années). Un tournant majeur quoi qu’on en pense.

Cette année, celle de la nouveauté, appelait la curiosité. L’Académie totalement chamboulée a changé ses têtes dirigeantes. Soit. À la présentation ? Marina Foïs, pourquoi pas. Le résultat ? Il faut se le dire, plutôt mauvais. Mais à lire les avis ça et là, je réalise que mon « mauvais » ne résonne pas avec celui des autres. J’ai applaudi la droiture de Corinne Masiero. On ne pourra jamais lui reprocher ses engagements : elle n’en a jamais trahi aucun. Ce ne sont pas ses combats qui dérangent, mais son corps. Une femme de plus de 50 ans nue sur scène, ça manque de décence ? Regardez-vous. En trois minutes,  elle a dit plus que tous les discours ronflants et malaisants. Car oui, le malaise, ce n’est pas une femme nue. Le malaise, ce sont les blagues homophobes, c’est une actrice qui ne comprend rien mais s’emmêle dans un terrible sketch sur la féminisation.

Le malaise, ce sont ces gens qui réclament l’ouverture des salles alors qu’ils ne sont pas foutus de porter leur masque. Ce dernier point est important. Je ne rends pas ces actes politiques : ils l’étaient délibérément. Tous ces nez en dehors des masques se pensant en position de force. Nul doute qu’ils ont du respect pour les 90 000 morts de cette année écoulée. Le tout dans une région où tous les indicateurs sont au rouge. N’est-ce pas cela la vulgarité ?

Le cinéma a manqué et manque encore aujourd’hui. Mais comment parler de films que personne n’a vu ? Comment ressentir l’émotion d’histoires que l’on ne connaît pas ?

Ce cirque était-il nécessaire ? Peut-être pour les quelques moments hors du temps. Benjamin Biolay à la tête du bel orchestre, sa voix réconfortante qui a accompagnée les confinements de beaucoup sur Instagram.


L’entrée douce et mélancolique de Catherine Ringer qui revient nous chercher.


Le discours profond et la diction inimitable de Jeanne Balibar aussi belle en robe Chanel que Corinne Masiero nue.


Laure Calamy sacrée meilleure actrice. Si mérité pour celle qui choisit ses rôles avec une intelligence rare.

Mais était-ce sincèrement nécessaire ? J’en doute. L’entre-soi est toujours le même et ce sont les mêmes qui refusent de voir. À petit feu le cinéma se meurt. Les acteur.ice.s célèbres sont toujours présent.e.s, mais les autres ? Les personnes des métiers techniques qui peinent à payer leur loyer ? Celles et ceux qui éclairent des plateaux de cinéma mais peinent à voir la lumière au bout du tunnel : qui pense à eux ?

Au milieu de cette cacophonie, beaucoup se plaignent du manque d’élégance au milieu des hommages à Carrière et Bacri. Mais arrêtons-nous deux minutes. Ces hommages étaient pauvres. Comme si leur obligation les rendaient ternes : n’est-ce pas ça la vulgarité ? Le manque de cœur ?

Si le cinéma français n’était pas en train de crever, Corinne Masiero n’aurait pas eu à se montrer nue. Mais pourquoi sans cesser retenir la forme en se voilant la face sur le fond ?

Je ris à demi en voyant toutes ces âmes insurgées face à la nudité vulgaire, ceux qui militent comme s’ils n’avaient rien d’autre dans la vie : iront-ils dans les salles de cinéma ? Pas certaine.

Je ne regrette pas le versant politique de cette cérémonie, elle l’a toujours été. Je regrette le manque d’âme, le manque d’empathie envers les vieux, les gros, ceux qui ne se permettent pas des grandes soirées en pleine pandémie. Quelle audace, quelle vulgarité.

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