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Première année : l’autopsie d’un monde malade

Première année : l’autopsie d’un monde malade

Combien de rêves sont piétinés avant même d’être effleurés ? On dit souvent qu’être médecin, devenir médecin, c’est une vocation. Première année nous montre sur 1h34 comment le système brise des vocations dans la fatigue et dans les larmes.

Deux jeunes hommes se rencontrent sur les bancs de la fac de médecine. L’un s’assoit dans l’amphi des premières années pour la troisième fois, l’autre pour la première. Dans un milieu sec, féroce et violent, ils vont tenter de s’épauler, de s’aider là où il n’y a de la place que pour un pas pour deux. Première année est un concentré d’émotions qui aborde une multitude de sujets dans l’urgence : la famille, la justice, la condition sociale, l’avenir, l’amitié et j’en passe.

Dès les premières scènes, on entre dans l’histoire et l’on sait qu’on ne sera pas épargnés. Ce qui frappe d’emblée c’est la quantité : la quantité d’élèves dans un amphi trop rempli, la quantité de polycopiés qui remplissent une valise par élève, la quantité d’informations : le trop plein. Les études de médecine ont cette réputation d’être un enfer, mais pourquoi ?

Pourquoi cet élitisme inutile ? En médecine il n’est pas question d’intelligence ou de mérite mais de statistiques. Et où vont les jeunes, leur vocation en bandoulière ? Par hasard (puisque c’est le cas) certains atteindront le but, puis les autres seront dentistes ou kinés, résignés, découragés… Humiliés ?

C’est bien l’humiliation constante que je retiens de cette Première année : les premiers mots rappellent que « vous allez échouer ». Les chansons paillardes imposées, cette sensation d’être sans cesse pris au piège d’un jeu où il faut tout miser pour ne rien gagner. Résultat : on comprise dans des êtres humains à peine matures et éveillés, un savoir qui n’est pas à leur portée. On fait entrer en eux plus que possible, plus que nécessaire. Certains abandonnent, certains y laisseront leur santé physique (tous ?), puis d’autres leur santé mentale. Ces scènes de vacarme incessant sont la démonstration même de jeunes au bord du précipice. Ils hurlent, frappent sur les tables comme s’ils étaient seuls, comme si c’était acceptable. Tout leur semble permis car ils sont coupés du monde réel. La réalité c’est la leur et dix ans plus tard on s’étonne que ces mêmes personnes annoncent un cancer stade 4 avec la légèreté d’une feuille en automne. Mais c’est ce qu’on leur a appris : les réflexes reptiliens, devenir une machine, faire des connexions mais ne pas penser.

Certes, ce n’est qu’une première année, mais ce sont les débuts qui donnent le ton d’une suite. On laisse le hasard et quelques chiffres faire des élections tristes et sans vie. C’est affligeant et à la fois : pourquoi changer un système que l’on pense performant ? Ces médecins qui auront tous péter un câble auront finalement tous leur propre caducée pour se prescrire le cocktail tant mérité de celui qui a tout donné pendant au moins 7 ans.

Première année ne cache rien et met la lumière sur les coulisses d’un monde auquel beaucoup rêvent. Le film est très lumineux malgré le sujet. Le duo que forment William Lebghil et Vincent Lacoste est vraiment formidable, drôle et sensible à la fois. Deux jeunes que rien ne poussait à la rencontre se poussait à la rencontre. Leurs caractères ne se ressemblent pas et pourtant les choses suivent leur cour. C’est une très belle histoire, pleine de difficultés mais touchante par sa véracité.

C’est un film qui montre et laisse faire sa propre analyse. Un film qui n’a pas d’avis mais suffisamment bien « tourné » pour que le spectateur se rende compte du problème, du drame social qui traîne et qu’absolument rien ne fera changé.

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